Napoléon en « grand habillement » de sacre par François Gérard (1805)
« Too much » oserait-on dire de la tenue de Napoléon le jour de son sacre si soigneusement décrite par François Gérard dans un admirable tableau, avec cette accumulation de symboles se référant à l’Empire romain dont il se veut l’héritier et de « régalia » utilisés lors des sacres des rois de France dont les représentations officielles symbolisent la permanence du pouvoir.
Et voici la pourpre impériale des empereurs romains rappelée dans le grand manteau dessiné par Isabey et Percier, brodé d’abeilles d’or inscrivant ce règne dans la lignée mérovingienne en raison des abeilles – en réalité des cigales- découvertes dans le tombeau de Childéric Ier, le père de Clovis. Et voilà, composée par l’orfévre Biennais, la couronne de lauriers d’or décernée aux vainqueurs de ces temps anciens et dont une des feuilles se trouve toujours à Fontainebleau. Et voilà la Main de justice, sans doute apparue sous Saint Louis, et voilà le globe surmontée d’une croix et le sceptre de Charlemagne.
De la main gauche Napoléon serre ce qui lui est le plus personnel, le plus symbolique, à peine visible dans les plis de la longue robe de satin blanc, « l’épée du premier consul », dite « épée du Sacre. Elle est ornée du Régent « le plus beau et le plus pur des diamants ». Acquis par Philippe d’Orléans, taillé en brillant pour orner la couronne de sacre de Louis XV, volé, retrouvé, mis en gage pour financer la campagne d’Italie, le diamant incomparable est racheté par l’Empereur. Celui-ci donne ordre de l’incruster dans le pommeau de l’épée qu’il veut porter ce jour-là, et non l’épée dite « Joyeuse » l’une des plus ancienne « regalia » du royaume de France, apparue pour la première fois en 1271 lors du sacre de Philippe III, portée, elle, par le maréchal Lefebvre.
Voici enfin, largement étalé sur la poitrine de Napoléon, le collier de Grand Maitre de l’ordre de la Légion d’honneur, ordre créé par Napoléon Bonaparte afin de récompenser les services civils et militaires rendus à la Nation française. Aujourd’hui disparu ce collier d’or émaillé formé de 16 aigles attachées ensemble par de doubles anneaux d’or fut remplacé par un collier d’un autre modèle dont s’inspirent les colliers successifs remis aux chefs de l’Etat lors de leur cérémonie d’investiture.
Pouvoir et beauté, « prestige ancien et légitimité nouvelle », se rejoignent ainsi dans la composition fastueuse de François Gérard qui exprime la souveraineté de Napoléon s’imposant aux regards des spectateurs dans sa dignité et sa complexité.
Hélène Verlet