C’est une scène si étonnante, si extraordinaire que l’Impératrice Eugénie, qui avait prévu le retentissement de ce haut fait diplomatique, avait demandé au peintre Jean-Léon Gérôme d’immortaliser le spectacle. En deux ans de travail méticuleux, il le fixera sur un long tableau de deux mètres soixante après en avoir pris, «sur le vif», des croquis. Après la première ambassade du Siam reçue magnifiquement à Versailles par Louis XIV en 1686 mais qui n’avait pas eu de suite positive, l’audience des ambassadeurs venus de Bangkok eut lieu à Fontainebleau le 27 juin 1861, préparée de longue date auprès des émissaires du Roi Mongkut désireux de se rapprocher commercialement de la France. Le tableau de Gérôme illustre fidèlement le moment dont la solennité égale aussi bien l’évènement de Versailles, deux siècle auparavant, que la réception au château de Windsor par laquelle la reine Victoria avait honoré ses hôtes siamois en 1857. A la splendeur du cadre, l’actuelle Salle de bal du château, répond la beauté des personnages, témoins de cette scène. A droite, siège le couple impérial, l’impératrice en grand manteau de Cour, parée de diamants et entourée de ses dames d’honneur vêtues de blanc, les princes, les dignitaires et le jeune prince à la moue si charmante
A gauche les courtisans, les acteurs officiels de l’ambassade, les ministres, les maitres de cérémonie, tous rigoureusement représentés, tous figés par le pinceau de Gérôme.
Et au centre, précédés des somptueux cadeaux, en un geste de respect insolite, le rampement soyeux et coloré des émissaires s’approchant de l’Empereur pour lui remettre dans une coupe, la lettre en or venue du Siam. Quelques minutes de spectacle, à peine, car Napoléon III, fit relever les émissaires et continua de s’entretenir en anglais avec eux tandis que l’Impératrice saluait avec bienveillance le fils de l’ambassadeur.
Mais la lettre en or demeure. Un long ruban d’or pur à 80%, de 40 cm de long sur lequel court un texte gravé en langue thaïe. Un groupe d’Amis du Château de Fontainebleau, lors d’une visite organisée juste avant le confinement aux Archives du Ministère des Affaires Etrangères à la Courneuve, ont pu voir ce document unique, restaurée en 2016 en vue d’une exposition sur l’Art de la Paix. Inépuisable programme qui résonne encore aujourd’hui.