C’est en voisinant avec les châteaux de Fleury en Bière et de Courances et leurs beaux canaux, possession de son ami Côme Clausse, grand maître des forêts de France qu’Henri IV se prit d’envie d’avoir, lui aussi un grand canal à Fontainebleau. Dans l’esprit de la Renaissance, l’eau avait quitté peu à peu son rôle défensif ou domestique pour devenir agrément dans un jardin. Les fontaines de Francini, le jardin sur l’eau devant la Cour de la fontaine avaient déjà témoigné du goût d’Henri IV pour ces réussites hydrauliques. La réalisation du grand canal, à la fin du règne du grand roi fut l’apothéose du château de « Belle eau ».
Henri IV avait considérablement agrandi son parc en complétant, par l’achat de la seigneurie du Monceau, les acquisitions de François Ier (les Héronnières) et de Catherine de Médicis (la ferme de la Mi-Voie). En tout 84 hectares au milieu desquels coulait le rû de Changis, modeste affluent mal drainé de la Seine propre à être canalisé. Les travaux de creusement commencèrent en 1606, sous la direction de Tomaso Francini, 600 toises de long, 20 toises de large, soit environ 1km 200 sur 40 mètres de large. En plus du rû s’y déversèrent les sources avoisinantes, les eaux de ruissèlement et le trop plein des bassins du château. Le roi se passionna pour cet ouvrage, surveillant de près l’avancée des travaux et le renforcement des parois de glaise par des blocs de grès appareillés. « Son grand canal, dans le temps où on y travaillait, est aujourd’hui chez lui une passion si dominante qu’avec les chaleurs qui ont été excessives, il était ordinairement assis sur une pierre depuis cinq ou six heures du matin sans parasol ni ombre quelconque à voir travailler ses maçons » (Malherbe)
Le 18 avril 1609 la famille royale vint admirer l’eau entrant dans le canal. Le roi, qui avait parié sur 2 jours de remplissage contre François de Bassompierre y perdit ses 1000 écus puis qu’il en fallut huit ! Mais sa satisfaction de voir achevé cet ouvrage fut si grande que, cette année-là, il prolongea jusqu’en novembre son séjour, « naviguant dans une embarcation dont le Dauphin ne voulut pas lâcher le gouvernail » (Héroard). Il y revint en mars l’année suivante, quelques semaines avant sa mort le 14 mai 1610.
Il nous reste la sérénité de cette eau qu’il aimait tant
Hélène Verlet